I - la légende de Liessies II - L'histoire de Liessies et de son abbaye III - la légende du scribe de Liessies IV - ce qu'il faut voir à Liessies; quelques vestiges de l'abbaye . l'église paroissiale : . l'extérieur . l'intérieur : 1_la croix byzantine (MH) 2_les tableaux 3_les statues 4_quelques pierres 5_divers V- le chateau de la Motte et les étangs . promenades autour de Liessies |
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C'était au VIIIe siècle: Wibert, comte de Poitou, fuyant les persécutions du duc d'Aquitaine, son ennemi, se réfugia dans le nord de la Gaule, où Pépin le Bref lui accorda certains domaines du fisc royal. Wibert, s'étant un jour aventuré dans les forêts de la Fagne, tua un sanglier dans la vallée de l'Helpe. Le lieu où tomba l'animal lui plut par son aspect riant ; et depuis longtemps animé du désir d'être l'auteur d'une fondation pieuse, il le choisit pour y bâtir un monastère.
Et c'est ainsi que le sanglier tué par le chasseur figurera désormais dans le blason du monastère. Et c'est ainsi que le village fut baptisé par le chasseur : Laetitia, la Joie. D'où la devise que les moines prendront par la suite : Servite Domino in Laetitia, ce qui pourra s'entendre de deux manières : ou bien Servez le Seigneur dans la joie, ou bien Servez le Seigneur à Liessies.
Wibert dédia l'église à saint Lambert et donna pour abbé au monastère son propre fils, Gontrad.
Il avait aussi une fille, Hiltrude, qui fiancée à un puissant seigneur de la cour de Bourgogne, protesta devant ses parents de sa volonté de se vouer à Dieu, s'enfuit dans la forêt et y vécut un temps dans un vallon solitaire, à l'endroit même où une petite chapelle a été élevée pour rappeler cette retraite. Grâce aux prières, tout s'arrangea : le fiancé épousa la soeur d'Hiltrude ; et celle-ci vint vivre en recluse dans une cellule contiguë au monastère de son frère. Cet exemple de renoncement fut imité par plusieurs jeunes filles appartenant à des familles considérables du pays ; et bientôt la cellule d'Hiltrude se changea en un couvent de femmes qui exista jusqu'au Xe siècle. Hiltrude mourut en odeur de sainteté et fut enterrée avec les siens dans l'Eglise de Saint-Lambert. Sainte Hiltrude devint ainsi la patronne de Liessies.
II - LIESSIES L'HISTOIRE DE LIESSIES ET DE SON ABBAYE
Elle s'écarte un peu de la
légende. Liessies, Laetia, c'était sous l'occupation romaine un campement de
lètes, ces colons à qui les occupants confiaient des terres à cultiver, à
charge par eux de les défendre contre les Barbares. Et ce sont ces colons (laeti)
qui auraient donné leur nom au village.
Quoi qu'il en soit, le monastère
fondé par Wibert fut ruiné au IXe siècle par l'invasion normande, puis au XIe
siècle par les seigneurs d'Avesnes. Wédric le Barbu contesta aux religieux la
propriété des terres qui leur avaient été léguées valablement par le
testament de sainte Hiltrude. Les moines eurent beau exhiber le testament,
couché sur une feuille de plomb : devant le comte de Hainaut, pris pour
arbitre, Wédric s'en empara et le jeta au feu. Cependant, Wédric se repentit
peu après, restitua les biens dont il s'était emparé, combla à son tour le
monastère par des dispositions testamentaires, et fut enterré dans l'église
de Liessies.
Son successeur, Thierry, qui mena aussi une vie de conquêtes et de
pillages, se repentit comme son père et fut enterré dans la même abbatiale,
avec sa femme, Ade, après avoir rebâti entièrement le monastère et l'avoir
peuplé, pour la première fois, de moines bénédictins.
En 1146, Liessies
reçoit un visiteur illustre : l'abbé de Clairvaux, saint Bernard, un moine
extraordinaire, enthousiaste, austère, un admirable entraîneur d'hommes. Il
vient une fois de plus pour faire la paix avec les seigneurs d'Avesnes. Mais il
vient aussi prêcher la seconde croisade. A sa voix généreuse, les seigneurs
du pays qui sont venus l'écouter, s'arment, recrutent des soldats et partent
pour la Terre sainte. Ce sont les seigneurs de Jeumont, de Berlaimont, d'Eclaibes,
et surtout Jacques d'Avesnes, l'un des plus grands capitaines de son temps, qui
périra au siège de Saint-Jean-d'Acre, aux côtés de Richard Coeur de Lion.
Les croisés n'oublièrent pas Liessies, où ils rapportèrent des souvenirs,
des reliques, peut-être même cette croix byzantine, si précieuse, qu'on
admire encore aujourd'hui.
Les moines suivaient la règle de saint Benoît,
partageant leur temps entre les exercices de la prière et le travail manuel.
Tous les bâtiments du monastère furent édifiés par eux. Ils défrichèrent,
cultivèrent, créèrent des moulins, des digues, des boulangeries, des
ateliers, pour fabriquer eux-mêmes toutes les choses nécessaires à la vie,
afin qu'ils pussent se suffire à eux-mêmes, sans se mêler à la vie du
dehors.
En même temps, ils firent de leur monastère une école, une
université, une académie des beaux-arts, un conservatoire, tandis que d'autre
part ils créaient l'artisanat, l'industrie et le commerce, développaient
l'agriculture, et produisaient par leur la'6eur incessant une richesse
considérable, qui fit de l'abbaye de Liessies l'une des plus célèbres
d'Europe.
Cette abbaye avait ses artistes. C'était des moines qui, patiemment,
copiaient des manuscrits et les enluminaient. Leur école de scribes fut
renommée et leurs oeuvres font encore la richesse de nombreux musées et
bibliothèques. Le musée d'Avesnes possède deux miniatures incomparables du
XlIe siècle, extraites d'un évangéliaire, et dont les couleurs et les ors ont
conservé leur fraîcheur de jadis. Elles figurent dans les grandes expositions
internationales et sont célèbres dans le monde entier. Beaucoup de manuscrits
disparurent à la Révolution. Le peu qu'il en reste montre à quel niveau l'art
des moines s'était haussé dans nos régions du Nord aux XIle et XIIIE
siècles. Leur réputation nous a laissé une légende, celle du scribe de
Liessies, que nous conterons plus loin.
Au XVIE siècle, l'abbaye eut la chance
d'être gouvernée par un saint personnage, qui fut illustre en son temps, le
Vénérable Louis de Blois. Il appartenait à cette famille de Châtillon qui
possédait alors la terre d'Avesnes ; et il avait été l'aumônier de Charles
Quint. Louis de Blois refusa tous les honneurs, et jusqu'à l'archevêché de
Cambrai, pour se consacrer au monastère de Liessies, dont il devint abbé en
1530. Il rétablit une règle rigoureuse, imposant l'obéissance et la retraite,
et n'admettant aucun étranger à l'intérieur de l'abbatiale et du cloître. Il
a écrit des ouvrages mystiques qui l'égalent à saint Jean de la Croix et à
sainte Thérèse d'Avila, et qui eurent un grand renom à la cour d'Espagne. Ses
entretiens spirituels furent le livre de chevet de Charles Quint, et Philippe Il
l'avait entre les mains sur son lit de mort.
Aux XVIle et XVIlle siècles, les
moines devinrent de plus en plus riches et puissants. Ils négligèrent leurs
occupations spirituelles pour se consacrer à d'opulents travaux. On
construisait sans cesse et on aménageait. Les abbés menaient une existence de
grands seigneurs. Une bulle du pape Urbain VIII avait en effet accordé aux
abbés de Liessies le droit de porter la mitre et la crosse. Et ils en
profitaient pour agir en grands propriétaires ; ils étaient sans cesse en
procès et travaillaient pour étendre sans cesse leurs possessions.
Bientôt
les idées des encyclopédistes feront leur chemin ; et la bibliothèque du
monastère verra, à côté des Pères de l'Eglise, les oeuvres de Voltaire et
de Rousseau s'installer sur ses rayons. Cette décadence spirituelle va se payer
très cher.
Un 29juillet 1789, ce sont les habitants de Dompierre qui viennent
réclamer à l'abbaye les reliques de leur patron saint Etton. Ce sont ceux de
Marpent et Jeumont qui viennent exiger l'abolition des dîmes et la restitution
des droits payés depuis 80 ans. Les gens du village interviennent pour
défendre leurs moines. Il y a des bagarres et des arrestations. Mais si
l'abbaye n'est pas mise à sac, ce n'est qu'une question de mois. Bientôt la
confiscation des biens du clergé est décrétée.
Les religieux sont chassés
de leur couvent. Pour la forme, on leur demande s'ils veulent rester dans
l'état qu'ils ont choisi. Mais devant les événements, les moines se sont
ressaisis ; et devant l'épreuve qui trempe les caractères, ils sont revenus à
l'exacte notion de leur mission. Don Marc Verdier, l'abbé, à la tête de ses
moines, répond noblement : " Je déclare que je désire observer dans
cette maison, tant qu'il me sera possible, les voeux que j'ai faits à Dieu et
la règle que j'ai embrassée sous l'autorité de l'Eglise et la protection du
gouvernement ".
Les 26 moines que renferme encore l'abbaye en 1790, font
une déclaration identique. Mais ils sont bientôt chassés, les biens du
monastère confisqués, et l'abbaye elle-même livrée au pillage. Tout est
profané, volé ou détruit. Les communes voisines se partagent quelques
dépouilles.
Les bâtiments ne sont déjà plus que des ruines. De 1816 à 1818,
ils seront occupés par les troupes russes et ne résisteront pas à cette
nouvelle épreuve. Aujourd'hui l'abbatiale, le cloître, les bâtiments, tout a
disparu...
III - LA LEGENDE DU SCRIBE DE LIESSIES
L'historien Lenôtre a conté cette
légende, qui a la saveur des Lettres de mon Moulin, et qui est peut-être pour
notre région ce qu'est le Curé de Cucugnan pour la Provence.
En ce
temps-là, les savants étaient attirés vers l'abbaye de Liessies par sa riche
bibliothèque et par le nombre et la beauté de ses manuscrits anciens. L'abbé
était admirablement secondé par une équipe de copistes et d'artistes, parmi
lesquels Frère Guillaume, l'un des scribes les plus réputés de son temps.
Lorsque Gautier d'Oisy, renouant la tradition familiale fit la guerre aux
abbayes afin de les dépouiller de leurs biens, le prévot d'Avesnes et
plusieurs habitants de la ville, qui avaient leur fils ou leur neveu au
monastère de Liessies, recueillirent secrètement les manuscrits et les vases
sacrés pour les mettre en lieu sûr. Frère Guillaume, le scribe, furieux de se
voir dépossédé, fût-ce pour un temps, de ses oeuvres, et notamment de ce
beau recueil de décrétales, qu'il avait si bien écrit, avec de belles
lettrines enluminées, monta dans la tour de l'abbatiale, et jeta par un auvent
une pierre qui fracassa le crâne d'un Avesnois. Mais en descendant, il fut
lui-même blessé à la tête dans la bagarre ; et peu de temps après il
mourut.
Le soir de sa mort, lorsque l'abbé se fut retiré dans sa cellule, il
versa des larmes abondantes sur la perte de son scribe favori ; mais à sa
douleur se mêlait une certaine inquiétude : Frère Guillaume n'avait-il pas
commis un meurtre ? Et puis, n'avait-il pas lui-même, lui l'abbé, contribué
à sa damnation ? L'habileté du scribe, le lustre que ses splendides manuscrits
répandaient sur le monastère en y attirant un grand nombre de prélats et de
savants qui venaient les consulter, tout cela joint à ses exploits trop
militaires pour un moine, tout cela avait fini par gâter Frère Guillaume : la
discipline se relâchait à son endroit ; et l'abbé lui passait bien des
choses, sous ce rapport. Il écrivait si bien, et si vite ! L'abbé s'endormit,
l'esprit absorbé par ces tristes pensées.
Pendant son sommeil, il eut une
vision : l'âme de Frère Guillaume quittait la terre pour aller comparaître
devant le Souverain Juge ; elle était accompagnée de son ange gardien, qui
ployait sous le poids de nombreux manuscrits écrits par son pupille pendant son
passage sur la terre. Et l'âme montait, calme et souriante en jetant des
regards de complaisance sur ces chefs-d'oeuvre écrits à la gloire de Dieu et
qui devaient lui ouvrir le Ciel.
Mais, tout à coup, une grande ombre noire se
projeta sur le firmament. L'âme et l'ange aperçurent, s'élevant au-dessus
d'eux, Satan portant à la main un immense parchemin qu'il serrait dans sa
griffe, en grimaçant. Sur ce rôle, Lucifer avait écrit les innombrables
péchés du pauvre scribe : Regarde tes péchés, qui se détachent en lettres
flamboyantes sur mon sombre vélin, s'écriait Lucifer. Rappelle-toi : un
meurtre... Et puis, tant de manquements à la règle, de distractions à
l'office... Tant de péchés d'orgueil. Tant de courses hors de l'enclos du
monastère ! Ha ! Ha ! Ha !...
Et tout en montant vers le trône de l'Eternel,
Satan déroulait son parchemin. L'âme épouvantée de Frère Guillaume en avait
comme un éblouissement d'horreur et d'angoisse. Et le diable ricanait toujours
: Ha ! Ha ! Frère Guillaume ! C'est aujourd'hui que je prends ma revanche. Tes
décrétales avaient si bien déjoué les pièges que j'avais machinés ! A mon
tour de marquer des points... et de gagner la partie !
Cependant, Frère
Guillaume est arrivé devant le Souverain Juge. Il s'est prosterné dans
l'attente de sa sentence. Une balance d'or, bien équilibrée, se dresse en face
du trône de Dieu. Alors commence une lutte épique entre les deux anges, lutte
qui fait frémir d'épouvante l'âme du pauvre scribe. Ecoute, disait Lucifer,
le bruit sinistre que font tes péchés, en tombant dans mon plateau... Bing !
Bing ! Bing ! Mon plateau penche... Père Eternel, répliquait l'ange gardien,
laissez-moi jeter dans l'autre plateau tous les mots de tous les manuscrits que
ce bon scribe a écrits et enluminés à votre gloire ! Depuis un moment, l'âme
suit avec anxiété les oscillations du fléau... Enfin Satan vient de laisser
tomber son dernier péché, et l'ange, atterré, reste les mains vides... Déjà
Satan victorieux avance ses griffes pour saisir sa proie, lorsque le scribe
jette un dernier coup d'oeil sur la blanche feuille de vélin que l'ange tient
encore à la main, pour s'assurer qu'il ne reste point quelque mot oublié... Le
doigt de l'ange glissa du feuillet qui se retourna, et au verso l'ange et l'âme
aperçurent en même temps un mot qui n'avait pu trouver place en bas du recto,
un mot qui à lui seul en valait trois : Amen !... Et l'ange lança
triomphalement le mot dans son plateau, qui trébucha aussitôt, en faisant
remonter celui du diable. Amen ! dit le Père Eternel. Et tandis que Lucifer
disparaissait en grinçant de rage, l'ange et l'âme du Frère Guillaume
voyaient s'ouvrir toutes grandes devant eux les portes du Paradis... Amen !
s'écria le bon abbé en se réveillant en sursaut. Il est enfin sauvé, mais il
m'a fait bien peur !...
Plus tard, si quelque relâchement se manifestait parmi les scribes du monastère, l'abbé faisait le récit de sa vision... Et l'on voyait bientôt les plumes trotter sur les feuilles, et les belles miniatures apparaître sur le vélin comme par enchantement. Telle est cette gracieuse légende, bien consolante pour les artistes. Ils ont souvent bien des péchés sur la conscience. Mais la beauté qu'ils créent n'est-elle pas un reflet du Très-Haut, une marque de la grâce divine, qui rachète beaucoup de fautes ? C'est un peu la morale de cette histoire.
IV - LIESSIES CE QU'IL FAUT VOIR A LIESSIES - QUELQUES VESTIGES DE L'ABBAYE
On pénètre dans l'enceinte de l'abbaye en passant devant la porte principale de l'église paroissiale. Deux tours fortifiées marquaient l'entrée du monastère. Il ne reste rien des splendides bâtiments que l'abbé Maurice de Rumigny avait fait édifier au XIlle siècle. Il ne subsiste que des espaces verts, avec çà et là quelques dépendances : des communs et écuries (à gauche) ; une petite ferme, avec une inscription latine rappelant que les humbles travaux des champs sont agréables au Seigneur ; une colonne carrée, seul vestige d'une porte monumentale ; des viviers. Il ne faut pas oublier en effet que les moines se nourrissaient de poisson pendant le Carême. Les étangs de Liessies, les étangs des Moines à Fourmies, propriété de l'abbaye, n'avaient d'autre objet que de fournir leur table. | ![]() |
EXTERIEUR
L'église est du XVIE siècle. La façade comporte deux
tours qui font corps avec elle, comme dans certaines églises fortifiées de
Thiérache. Il faut toujours se rappeler que les guerres étaient nombreuses en
Hainaut, et que les habitants des villages se réfugiaient dans les églises
pour se mettre à l'abri, quand des bandes armées étaient signalées. Par
leurs meurtrières, les deux tours de la façade permettaient aussi de défendre
l'entrée de l'abbaye.
Au portail, une statue du Vénérable Louis de Blois,
abbé de Liessies, avec la devise des moines : Servite Domino in Laetitia. On
remarquera que l'église ne possède qu'un tout petit clocher. Les moines
n'eussent pas toléré que l'église du village eût un clocher plus élevé que
celui de leur orgueilleuse abbatiale. L'église est bâtie contre le monastère,
comme pour implorer sa protection. Tout autour se trouvait le cimetière. On y a
inhumé au siècle dernier les restes de corps qui ont été retrouvés dans
l'enclos de l'abbaye, protégés par des cercueils de plomb. On croit que ce
sont les restes de Wédric le Barbu, de Thierry, et de sa femme Ade, dont les
tresses de cheveux étaient admirablement conservées. Le promeneur qui traverse
l'emplacement du cimetière foule ainsi les cendres des premiers seigneurs d'Avesnes.
Un calvaire est adossé au chevet de l'église. Il est du XVIE.
INTERIEUR haut de page
Selon la tradition, cette croix aurait
été rapportée par un moine qui avait suivi la seconde croisade. Elle est en
cuivre doré, ornée de pierres précieuses et d'émaux champlevés, et paraît
être du milieu du Xlle siècle : elle est d'une valeur inestimable. On y voit
figurer, outre les quatre évangélistes représentés par leurs animaux
symboliques, des citations de l'écriture qui servent de preuve à l'histoire du
Christ. Les savants ont disserté longuement sur cette oeuvre. D'après eux, la
croix aurait été faite sur les ordres de Suger, abbé de Saint-Denis, qui
gouverna la France en l'absence du roi parti pour la croisade.
Les artistes qui
l'ont façonnée auraient été des orfèvres lotharingiens : ils auraient
travaillé au nombre de 7 pendant 2 ans. Si elle ne provient pas des croisades,
il est cependant hors de doute qu'elle a subi l'influence byzantine.
Les Empereurs
d'Allemagne et les émailleurs lotharingiens avaient des rapports étroits avec
Constantinople : et cela expliquerait le style qui fut donné à cette croix
commandée par Suger. La croix n'a plus son support, qui était tout aussi
remarquable, et qui, croit-on, se trouve aujourd'hui au Musée de Saint-Omer.
Elle est le souvenir le plus précieux que conserve l'église de Liessies.
a) Toiles de Crayer :
Un grand peintre anversois du
XVIle siècle, Crayer, à qui Rubens, qui le prisait fort, disait : "
Crayer, Crayer, personne ne vous surpassera ! ", reçut des religieux de
Liessies la commande d'une vie de sainte Hiltrude. Il peignit quatre toiles :
sainte Hiltrude demandée en mariage ; sainte Hiltrude s'enfuit dans les bois ;
sainte Hiltrude reçoit le voile des mains d'un évêque ; sainte Hiltrude, dans
sa cellule, confère avec son père. Ces toiles sont de 1669, l'année où le
peintre est - mort (MH).
Elles ont été très abîmées dans un incendie
récent et ont été restaurées par un artiste local.
b)Toile représentant
l'abbatiale du monastère au X-VIlle siècle :
Elle n'a qu'un intérêt
documentaire, mais permet de se rendre compte des dimensions de l'édifice et de
la somptuosité
c) Toile représentant une vue de l'abbaye, Sainte-Hiltrude.
d) Grisailles représentant les Vertus (XVIle).
De chaque côté du
choeur, deux bustes de marbre : sainte Hiltrude couronnée de roses et Gontrad,
son frère. Dans l'abbatiale édifiée par l'abbé Antoine de Winghe dans les
premières années du XVIle siècle, se trouvaient deux statues de marbre de
sainte Hiltrude et saint Gontrad, plus grandes que nature.
Un siècle plus tard,
on s'aperçut que ces statues étaient trop grandes pour être belles et on les
réduisit à deux bustes que l'on voit encore de chaque côté de l'autel dans
le tableau qui représente le choeur de l'abbatiale. l'artiste, qui a beaucoup
étudié l'antiquité, et qui a donné à Gontrad le costume d'un centurion,
n'était pas un moine. C'est presque de la sculpture profane. Statues de bois :
elles sont toutes d'un art populaire, mais sont singulièrement expressives.
Certaines sont admirables : la Sainte-Famille (contre le mur de droite). Elle
est du XVIle siècle. Si simple et si touchante, elle est peut-être le
chef-d'oeuvre de cet ensemble.
Sainte Anne (XVIe).
Saint Antoine. C'est vraiment
un homme des bois, un solitaire, comme son compagnon, qui a gardé de la Fagne
son caractère sauvage. L'artiste n'a pas voulu marquer autre chose.
Saint Corneille. Il passe pour protéger les volailles, sans doute à cause de son
nom. Il fut pape, et c'est pourquoi on le représente vêtu de somptueux
ornements sacerdotaux. Sous son pontificat, des voleurs tentèrent de s'emparer
des corps des apôtres pour les transporter en Grèce. Saint Corneille donna
l'alarme à son de trompe, et l'on put rattraper les voleurs. C'est pourquoi il
tient à la main une trompe de chasse. Il a l'attitude ondoyante de toutes les
statues du XVIIIE siècle.
Saint Druon. C'est le patron des bergers. C'est un
saint du pays. Il a vécu à Sebourg. La statue est du XVIE.
Sainte Marguerite.
Elle brandit la palme du martyre qu'elle a subi, après avoir fui les
assiduités d'un prétendant qui a laissé derrière lui une bien fâcheuse
réputation : il s'appelait Olibrius.
Saint Agapit. Il porte les ornements de
diacre, et tient aussi la palme du martyre qu'il subit sous l'empereur Dèce.
C'est un contemporain de Polyeucte.
Saint Roch. Il montre sa jambe couverte
d'ulcères. Il a succombé à la contagion, en soignant les pestiférés. On
l'invoque contre la peste. Jusqu'au XVIle siècle, il a eu beaucoup de travail
et de popularité, notamment dans les Pays-Bas espagnols, auxquels le Hainaut
appartenait. Et aujourd'hui encore, il est très invoqué en Espagne.
Saint Fiacre. Il porte la bêche, et c'est le patron des jardiniers. Un compagnon et
un compatriote de saint Etton. Ce saint anachorète avait prononcé une
malédiction contre les femmes. C'est à ce point que celles-ci ne pouvaient
autrefois pénétrer dans la chapelle du saint . Le sculpteur, avec beaucoup
d'humour, a donné, par la laideur du visage, l'explication de ce dédain. Une
Vierge du XVIE, croix de procession du XVIIIE, saint Etton (XVIlle), Christ aux
liens, etc.
a) Encastrée dans le mur
côté droit, une pierre avec inscription qui recouvrait, croit-on, le tombeau
des parents de sainte Hiltrude. On y lit :
Ossa sub hoc altare in cistella
plumbea condita creduntur esse parentum fratrumque B. Hiltrudis quae olùn
partim in primi templi vestibule, partim alâs oratorii locis sepulta ac deinde
in vetustum marmoreum Wiberti comitis jacentis effigii insignitum translata
fuerant.
Traduction : "on croit que les ossements qui sous cet autel sont
contenus dans une cassette de plomb sont ceux des parents et des frères de la
Bienheureuse Hiltrude. Ces ossements avaient été autrefois enterrés, partie
dans le vestibule de la vieille église, et partie dans d'autres places de
l'oratoire, et ensuite ils avaient été placés dans l'ancien tombeau de marbre
orné du gisant du comte Wibert".
b) Dans le choeur (mur droit), un carreau de marbre avec ces simples mots Louis de Blois, abbé, 1565. C'est la pierre que le saint abbé de Liessies avait demandée pour tout mausolée.
c) Dans le choeur également et à droite, encastré dans le mur, monument funéraire de Mathieu Manteaux, bailli et receveur de Liessies (1606)(MH).
La voûte en
bardeaux, avec le calvaire qui la termine du côté du choeur. L'ensemble est du
XVIE. Les noms de saints qui décorent les murs de la nef sont ceux dont les
reliques étaient au monastère, et dont les chapelles marquaient les entrées
du village : saint Etton, saint Lambert, sainte Hiltrude, saint Thomas de
Cantorbury, saint Benoît, saint Dodon, le saint ermite de Moustiers-en-Fagne.
La chaire, finement sculptée, est du XVIlle siècle.
Dans le choeur, fauteuil
avec son scabellum, bois tourné (XVIle). Prie-Dieu, bois sculpté, début du
XVle.
Autel de sainte Hiltrude, à gauche, où la sainte est représentée,
tenant d'une main le testament par lequel elle lègue tous ses biens au
monastère, de l'autre la lampe que les commentaires sacrés donnent aux vierges
sages qui attendent dans la prière le Divin Epoux. Ses reliques sont
conservées dans une châsse en bronze doré, ciselée au siècle dernier. Elle
renferme un autre reliquaire qui fut mis en lieu sûr pendant la Révolution.
LE CHATEAU DE LA MOTTE ET LES ETANGS Le château était une ferme dépendant de l'abbaye. Au XVIlle siècle, elle fut transformée en maison de retraite et en infirmerie pour les moines. Site magnifique, parc, jeux, pêche, canotage, hôtel-restaurant. Devant le château, étang de la Vieille Forge, qui rappelle un petit établissement industriel exploité par les moines. Derrière les étangs de la Motte, on remarquera les digues qui retiennent les eaux et qui ont été construites par l'abbaye. Les vues sont très jolies, des deux côtés. Liessies
est devenue aujourd'hui une station climatique, où l'on vient chercher le
repos, en respirant un air très pur.
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